Thursday, December 21, 2017

Subvention étatique des associations – Analyse critique – 3 : Par ministère – 2/3

Nous continuons la critique du « Jaune » budgétaire rapportant des subventions étatiques au profit des associations en 2015, en analysant comment les montants se répartissent selon les ministères. Dans cette partie, on s’intéresse aux ministères de la Culture, la Défense, de l’Ecologie, de l’Education et des Finances.

Avec 452 millions de budget de subvention, le ministère de la « Culture et communication » est le second plus gros dépensier, représentant 22% des 2 milliards. Le ministère nous justifie sa « politique » de la manière suivante :

« Les associations constituent des partenaires essentiels pour la mise en œuvre des politiques publiques incombant au ministère de la culture et de la communication. La souplesse de la loi de 1901 se prête particulièrement à la multiplicité des missions d’intérêt général dont le ministère a la charge : démocratisation, médiation, promotion de la culture de proximité, mise en valeur des patrimoines sous toutes leurs formes, spectacle vivant, promotion des arts plastiques, vitalité du pluralisme, en particulier radiophonique, autant de domaines dans lesquels l’association est une forme répandue, voire majoritaire, d’organisation. L’effort financier du ministère envers les associations se déploie donc sur deux axes complémentaires : aide structurelle de celles qui concourent de manière pérenne aux missions du ministère, aide ponctuelle sur projet à celles qui sont les plus innovantes. »

Ce texte mérite une pose. La première phrase n’apporte rien, c’est de la flagornerie qui ne nous dit rien sur leur politique de financement. La seconde donne une vague idée de ce qui se passe sur le terrain et de ce que manifestement apprécie le ministère, mais que cela ne donne pas plus d’indication sur ce qui motive l’appréciation ni sur comment cela vient orienter les financements. Ce n’est donc que la dernière phrase qui a elle seule peut nous éclairer sur un demi milliard de subvention. Et elle se limite pourtant à nous informer que le ministère fait deux types de choix : les associations qu’il aime bien (« innovantes ») et celles qui l’aident à faire son boulot plus longtemps. Avec cela, on ne peut pas dire qu’on n’est renseignés sur le bien-fondé de tels « investissements ».

Mais regardons le graphique habituel. On y voit deux programmes qui écrasent les autres (P131 et P224), un petit groupe vers les 50 millions chacun, et deux autres enfin complètement dans le coin et donc à l’opposé des deux monstres (P180 et P186). Concernant P180 « Presse », il est doté de 3 424 120 et touche 26 entités, il sera sans doute intéressant de vérifier jusqu’à quel point il vient grossir les subventions non associatives à la presse.

Concentrons notre attention sur les deux plus gros et plus distribués. « P131 : Création », « P224 : Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». P131 dispose de 273 753 911 euros pour 2 639 cibles. Cela fait de lui le second plus gros programme, avec 13,3% de la masse totale et 60,5% du budget du ministère. P224 dispose de 93,2 millions et représente quant à lui 20,6% du budget ministériel, pour 5 757 associations, soit 2,18 fois plus que P131 pour 3 fois moins de budget : clairement on semble donner, par allocation, 6 fois moins pour transmettre que pour créer, donc plus à « l’innovation » qu’au « structurel », comme nous l’explique le ministère. Vive la création, donc.

Enfin, prochain plus gros programme, P175 « Patrimoines », avec juste 40 millions et 8,9% semble montrer que la conservation des acquis culturels de longue date est manifestement sept fois moins importante que la « création ». Cela semble confirmer la tendance précédente où on voit plus être donné pour « créer » que pour transmettre. C’est en fait très keynésien comme attitude et très cohérent avec la pensée gauchisante qui anime les bureaucrates.


Venons en au prochain ministère, la Défense, un des maigres « régaliens ». Avec un budget total de subvention de 6 343 974 euros, soit 0,3% des 2 milliards, c’est le troisième plus petit ministère, presque trois fois moins financé que les « Services du Premier ministre ». La distribution de ce ministère est très contrastée, telle la présence de deux des quatre programmes de moins de 10 000 euros de budget. Mais voyons ce que nous présente le Jaune :

« Les programmes relevant du Secrétaire général pour l'administration - programme 167, 169 et 212 - contribuent au financement des associations à travers des subventions participant à la mise en oeuvre des politiques publiques de chaque programme. Le programme 167 "liens entre la Nation et son Armée" verse des subventions aux associations essentiellement dans le cadre de la politique de mémoire, notamment pour la mise en oeuvre d'actions culturelles, pédagogiques et mémorielles. Le programme a ainsi versé 2,5 M€ de subventions en 2015. » En réalité le chiffre est de 2 381 338 pour 306 associations.

« Le programme 169 "Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant" verse des subventions aux associations dans le cadre des actions de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre. En 2015, 148 subventions ont été attribuées pour un montant de 0,4 M€. » Les chiffres du Jaune sont de 128 et 389 326.

« Le programme 212 "Soutien à la politique de défense" contribue au soutien d'associations oeuvrant dans le domaine social au profil du personnel civil et militaire, ou contribuant à la politique de reconversion des militaires, notamment à travers des opérations, publications ou expositions à vocation culturelles et mémorielle, ainsi que par des subventions liées au tourisme de mémoire. En 2015, 1,3 M€ ont été versés à ce titre. » Le détail du montant donné dans le rapport est de 1 271 652 euros versés à 52 associations.

« Au sein de la mission "Défense", le programme 144 'Environnement et prospective de la politique de défense" a vocation à éclairer le ministre de la défense sur l'environnement international au présent et à l'avenir, et ce aux fins d'élaborer et de conduire la politique de défense de la France. Il mène une politique d'aide à la publication sous la forme de subventions dans le domaine de la stratégie et des questions internationales, dans le but d'accroître le rayonnement de la pensée stratégique française. En 2015, 2,3 M€ ont été versés à ce titre. » En effet, le montant précis est de 2 292 158 euros pour 33 associations.

Prenons acte du caractère systématique et structuré de la présentation faite par la Défense, qui malgré quelques erreurs dans les chiffres, tranche face à l’amateurisme « artistique » sans doute dont la Culture fait preuve.

Pour autant, cette présentation est factuellement incomplète, puis que deux autres programmes figurent dans le Jaune, à savoir P146 « Équipement des forces » pour 5 000 et P178 « Préparation et emploi des forces » pour 4 500 euros, chacun ne touchant qu’une seule association. On retient donc les trois plus onéreux, P167, P212 et P144.

Clairement P167 et P212 sont motivés par une pseudo « vocation culturelles et mémorielle » qui n’a rien à faire avec ni l’état ni la défense, et devrait être auto-financé par ceux qui trouvent ces sujets d’importance. Quant à P144 avec sa thématique de « pensée stratégique française » est tout aussi ridicule, qui plus est dans un contexte associatif.


Passons à l’écologie, au développement durable et à l’énergie, puisque tel est le titre et l’ambition du prochain ministère à la mode. Et commençons par le texte de présentation de sa « politique » de subvention :

« Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie apporte d’abord un soutien financier aux associations porteuses d’initiatives de nature à compléter, voire enrichir l’action des services dans leurs domaines de compétence. Dans ce cadre, elles doivent être en mesure de mettre en œuvre les projets qu’elles proposent, grâce aux connaissances et à l’expérience, notamment du terrain, dont elles font preuve. Pour l’essentiel il s’agit d’associations dont l’activité principale concerne un ou plusieurs des champs d’action suivants : la préservation de la biodiversité et des milieux, la gestion des risques, la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique. Nombre de ces associations sont présentes au sein d’instances consultatives nationales ou régionales ayant vocation à traiter des politiques environnementales et de développement durable. Les crédits sont également attribués aux associations de la société civile qui, par le contact qu’elles sont en mesure d’établir avec les citoyens, présentent un intérêt avéré pour le ministère, en ce qu’elles contribuent efficacement à un débat public ouvert et de qualité dans le domaine de l’environnement et de la transition écologique. Enfin, des subventions sont accordées afin de consolider les fédérations et associations qui contribuent à une meilleure coordination du tissu associatif environnemental et à la formation des bénévoles. »

On a de nouveau affaire à un auteur verbeux et peu structuré, ou timide, peut-être. Les deux premières phrases dont il nous gratifie n’apportent strictement rien, et la troisième se contente d’énumérer les thèmes du ministère. Bref, de grandes phrases qui ne suivent même pas la structure des 11 programmes (le record) qui décomposent les 78,2 millions que le ministère verse à quelques 1 768 associations. Mais observons le graphique – complexe.

P113 « Paysages, eau et biodiversité » absorbe 31,5 millions à lui seul, soit 40,3% du budget ministériel, pour 633 associations. On imagine que c’est motivé par la recherche de la couverture du territoire ? Ensuite vient P174 « Énergie, climat et après-mines » au libellé pour le moins vague, large et énigmatique, qui pompe 21 859 229 euros (28%) pour 64 cibles. Enfin, P217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables », qui présente la plus large assiette avec 597 associations sous le robinet de 7 219 806 euros – 12 100 en moyenne, semble financer tout ce qui sur le terrain affiche ou prétend relever de l’action écologique.

Enfin, à l’opposé, le ministère fait preuve de « générosité » en créant deux programmes destinés chacun à une seule association pour des sommes minuscules : P159 « Information géographique et cartographique » et P612 « Navigation aérienne », respectivement de 15 000 et 27 371 euros, précisément – on se demande un peu ce qu’on peut financer en navigation aérienne avec une telle somme, mais soyons heureux de cette avarice trop rare.


Avant dernier de cette série, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche. Quatrième en budget des ministères avec 202,5 millions qui tombent dans 1 642 poches associatives. Voyons ce qui nous est expliqué :

« Si la majeure partie du soutien au secteur associatif concerne les établissements privés, des associations de natures différentes sont aussi concernées. Le MENESR (*) soutient les établissements avec lesquels il a signé un contrat (établissements d’ES libre et établissements d’ES technique privés reconnus par l’État) réunis en fédérations ou unions : l’Union des établissements d’enseignement supérieur catholique, la Fédération d’écoles supérieures d’ingénieurs et de cadres, l’Union des grandes écoles indépendantes représentant l’enseignement privé laïc dispensé au sein d’écoles d’ingénieurs et de commerce-gestion et l’Union des nouvelles facultés libres qui regroupe les facultés libres de Paris affiliées à l’APPESL. Il soutient aussi des associations au service de la coopération internationale en matière d’ESR, des associations dans le domaine de la gouvernance, du pilotage et de la gestion. Le développement de la vie associative constitue aussi un axe central des politiques de vie étudiante des établissements : les associations représentatives et les associations diverses (culturelles, sportives, ...). Aux termes de l’article L811-3 du code de l’éducation, les premières siègent au CNESER ou au conseil d'administration du CNOUS. Les autres relèvent de la qualification d’association étudiante car leurs responsables et gestionnaires sont étudiants, leurs objectifs visent à animer la vie étudiante, leur action est destinée aux étudiants (réalisation de projets civiques, culturels ou de solidarité). Les relations partenariales entre le MENESR et ces associations s’appuient en général sur des conventions annuelles ou des conventions pluriannuelles d’objectifs. Même si le dispositif de recherche s’appuie principalement sur le financement de ses opérateurs au travers de subventions pour charges de service public, un certain nombre d’opérations sont exécutées par des associations (l'action 01 du P172). » (*) MENESR : le ministère.

Ce texte, encore d’une logique différente, ne détaille en rien les programmes et s’attache surtout à rester sur une ligne bureaucratique peu digeste pour le contribuable qui la lirait. Dit autrement, on est en droit de se demander si ce texte n’a pas été écrit pour qu’on ne puisse pas le comprendre. C’est centré sur les acteurs du milieu sans donner la moindre logique ou motivation guidant à leur choix, le choix des programmes et des arbitrages budgétaires.

Au niveau des programmes, les trois plus riches sont P150 « Formations supérieures et recherche universitaire » avec 75 194 873 euros pour 85 bénéficiaires, P230 « Vie de l'élève » profitant de 66 441 552 euros versés à 556 associations et P172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » doté de 41 341 567 euros redistribués vers 86 entités.

Ces trois programmes, qui ensemble font 90,3% du budget ministériel, posent tous une question de fond quant à leur légitimité, loin d’être réglée par l’introduction donnée dans le Jaune. En effet, on vérifiera le détail via la liste des associations concernées, mais on peut se demander si ce n’est pas par ces sommes énormes que les syndicats étudiants tous plus ou moins socialisant sont financés, le terme de « vie étudiante » ne permettant pas de justifier qu’un ministère vienne se substituer à ce qui devrait relever d’un auto-financement des étudiants ou des parents.


Terminons ce chapitre avec le ministère des finances et comptes publics, dont déjà par objet et nature on peut se demander comment il en vient à trouver des associations à subventionner. Que nous dit-il dans le Jaune à ce sujet ?

« Les subventions concernées contribuent à la politique sociale du ministère de l’économie et des finances. Une majorité de ces subventions est destinée au fonctionnement des restaurants administratifs (DGFIP, INSEE et SG) dont la gestion est confiée à une association qui sélectionne une entreprise de restauration collective pour assurer l’exploitation. D’autres subventions sont versées à des associations intervenant dans les secteurs socio-culturels (ALPAF, EPAF). Le subventionnement de ces associations s’accompagne également de conventions d’objectifs et de moyens définissant pour chaque association les objectifs et les indicateurs ainsi que les moyens financiers humains et matériels qui leur sont accordés. »

Le ministère subventionne à hauteur de 74,9 millions, (3,6% de la masse) envers 180 entités via 4 programmes, dont cette présentation elle encore n’explique en rien la logique de décomposition et de financement. Par contre, le ministère avoue très clairement que les subventions servent en fait à financer des « cantines » pour le personnel administratif, chose qui devrait pourtant relever du budget de fonctionnement du ministère ou des collectivités.

On voit sur le graphique qu’un seul programme prend l’essentiel du budget, il s’agit de P218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », absorbant quelques 62 328 260 (83,2%) à destination de seulement 7 entités. On ne manquera pas de regarder de prêt quels peuvent être ces sept privilégiés à 8,9 millions chacun.


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